« L’analyse a donc deux tâches : l'une est de faire sentir au patient qu’à tout prendre cela vaut la peine de vivre, s’il existe des êtres humains comme ce médecin secourable qui est prêt même à sacrifier une partie de lui-même. »

Sandor Ferenczi, Journal clinique, 18 juin 1932

Psychanalyse et cinéma

                           Il est délicat d'introduire un observateur dans l'intimité de la relation psychanalytique . Car le lien de confiance qui n'existe que dans la relation à deux est fragile à faire grandir et à entretenir ; c'est un travail, qui repose sur la magie, le miracle du transfert. C'est une oeuvre de temps.  Difficile d'imaginer l'intrusion d'une caméra dans le secret du cabinet où les vannes s'ouvrent et où la censure n'existe plus, grâce au divan. 

Le cinéma contemporain s'attache pourtant à représenter ce dernier sous toutes les coutures, déclinant le registre comique, ou un ton beaucoup plus sérieux. En définitive,  semblerait que la psychanalyse ait sa naturellement place au cinéma : il s'agit d'un drame qui se joue dans un décor feutré, fait de tapis persans, de statuettes énigmatiques,  de tableaux,  d'un divan choisi par l'analyste.

Mais contrairement au théâtre, le décor n'est là que pour révéler une présence réelle :  celle de l'homme ou de la femme qui vient déposer son symptôme, pour découvrir, au bout du chemin, qu'il n'est pas qu'une plainte, mais un être de désirs et capable de s'émanciper.

 

 Un divan à Tunis, Manele Labidi

Tunis. Les années 2020. Selma (Golshifteh Farahani) , la trentaine, est une psychanalyste et d'origine tunisienne. Après quelques années à exercer à Paris, elle a voulu rentrer à Tunis, le pays de ses parents, pour y ouvrir son cabinet : pourtant, culturellement,  psychologie n'y est pas très développée. Comme note une coiffeuse au salon de laquelle Selma se rend : pourquoi payer pour raconter sa vie à quelqu'un, alors que les clientes qui viennent se faire coiffer le font très naturellement en même temps que le brushing ?  Pourtant, la demande semble très forte, car son activité démarre fort ; et culturellement, en voyant le portrait de Freud dans son cabinet, un patient est rassuré : il ressemble à un frère Musulman. Toutefois, Selma attire très vite la méfiance des autorités ; il est vrai que la psychanalyse n'est pas reconnue comme une thérapeutique au même titre que la médecine en Tunisie. Elle ne correspond ainsi à aucun formulaire, à aucune "case" et doit, sur le plan légal, stopper sa pratique. Elle est même soupçonnée de prostitution, car elle fait allonger des hommes sur un divan... Ainsi, la jeune psychanalyste est confrontée à une double difficulté : imposer sa légitimité de thérapeute, et de femme, dans un pays où ces deux identités sont problématiques. Heureusement, l'humour du cinéaste transforme cette quête initiatique qui relève du parcours du combattant en aventure comique.  Ce parcours, au fil des récits touchants des patients confiés dans le creux du divan, qu'ils soient traumatisés par un emprisonnement politique, en conflit avec leur mère ou leur identité sexuelle, révèle toute le besoin des soins de la psyché, quelle que soit l'aire culturelle dont on provient.

 

Retour à l'accueil