DEFENDRE LES ENFANTS - Edouard Durand  ★★★★★

Juge pour enfants au tribunal de Bobigny, Edouard Durand signe un livre qui se présente sous la forme d'un témoignage sur son métier aussi grave que plein d'espoir . Très modeste, le magistrat se décrit comme le "maillon" protecteur d'une "chaîne" constituée d'autres professionnels de l'enfance : enseignants, psychologues, éducateurs... Et souligne l'urgence actuelle que chaque "maillon" de cette chaîne protectrice se forme et s'informe sur les violences - et en particulier sexuelles faites aux enfants pour mieux les protéger.

Réalité inquiétante sur laquelle s'ouvre ce livre : 70 % des plaintes pour violence sexuelles faites aux enfants sont aujourd'hui classées sans suite. Pour Edouard Durand, ce chiffre peut être expliqué par la parole de l'écrivain Charles Péguy : "il est difficile de voir ce que l'on voit". C'est à dire, d'affronter, de réaliser, puis de se révolter contre les violences faites aux enfants dont on est témoin.

La violence fait peur. Et il est plus commode de faire comme si on ne l'avait pas vue. Collectivement, nous restons ainsi perméables à la stratégie des agresseurs, qui s'infiltre dans notre manière de penser et d'agir. Dès qu'il y a passage à l'acte, on avance : "ça ne me concerne pas". Réaction courante chez l'humain. On dit ça pour ne pas être en danger. On dit aussi : "je ne sais pas vraiment ce qui se passe", alors qu'on voit bien ce qui se passe, on l'a sous les yeux.

Responsable de ce mutisme, un mécanisme d'exclusion sociale et de retournement de la culpabilité au sein de la famille  contre la victime. Edouard Durand rappelle que la famille est aussi le lieu d'expression de rapports de pouvoir au bénéfice de quelques uns contre certains autres. C'est ainsi que certaines victimes, en particulier lorsque les violences ont lieu au sein de la famille et que l'agresseur est l'un de leurs membres, se retrouvent murées dans le silence. On fait "bloc", on protège l'institution familiale, au détriment du plus fragile.

Pour beaucoup de niais vaniteux que la vie déçoit, la famille reste une institution nécessaire, puisqu'elle met à leur disposition, et comme à portée de main, un petit nombre d'êtres faibles, que le plus lâche peut effrayer. Car l'impuissance aime refléter son néant dans la souffrance d'autrui".

G. Bernanos, Sous le soleil de Satan

Un témoignage vital pour notre société.

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