UNE VOIX PUISSANTE, pleine de ressac. Vous voilà emporté par le roulis de ses mots.  Une émotion soudaine. Se pourrait-il...? Nul doute. Ce timbre... A chaque accord de piano martelé, ce soupçon toujours plus entêtant... Soudain, certitude : oui, Brel  lui coule dans les veines, irrigue sa voix, fait pulser ses phrases. La voix crache un sanglot. Dans ma nuit, une nouvelle étoile.

Je ne veux pas de ton amour,
Va voir ailleurs.
Je ne veux pas me rapprocher
Pour mieux entendre battre ton cœur.
Recrache le miel sur ta voix,
Enlève ces étoiles dans tes yeux,
Remballe tes fleurs, écoute moi,
Il n'y a pas d'amour heureux.

Je ne veux pas de ton amour, Barbara Weldens

            J'ai fait connaissance avec la chanson de Barbara Weldens de fil en aiguille : en passant de Jeanne Cherhal à Juliette,  dont j'apprécie les mots. Le mystère des algorythmes de youtube a libéré dans ma chambre d'étudiante la puissance de cette voix  étonnante. Je me rappelle du choc : la présence  du phrasé de Brel tout d'abord, qui trahissait une voix jeune, s'essayant à fendre sa chrysalide.

Et puis d'un rugissement musical, d'une rage de dire. J'ai posé mes yeux sur l'écran pour découvrir cette jeune femme pieds nus,  cramponnée vitalement à son micro comme on s'accroche une falaise, chevelure ensauvagée, les yeux brillants, la rage en bouche.  Elle ne m'a plus quittée

        Barbara Weldens nous offre des tranches d'intime dans son premier album Le grand H de l'homme  : elle se penche sur le désir ( "L'Organique Vibration"), chante l'identité féminine  ("Belle", "A mes flancs"), s'égare aux lisières des sentiments ("Emu et digne", "Je ne veux pas de ton amour").  On sent une maturité certaine dans sa plume émoussée, au féminisme corrosif ("Le grand H de l'homme"). Sa chanson se situe à la croisée de plusieurs arts. Saltimbanque fantasque, la chanteuse semble prendre plaisir à jongler entre le registre opératique, la musique de cabaret, une chanson "classique" au dépouillement instrumental ("L'organique vibration")

   Du point de vue de l'écriture, son phrasé  s'enroule autour de l'émotion. Son verbe est d'une poésie rare pour la chanson contemporaine.   Mais je trouve que toutes les chansons ne se valent pas. On sent que l'artiste est en devenir.  L'album paraît un peu sec, comme si elle en était un peu absente. Ses captations en concert ont plus d'âme. 

Alors, que reste-t-il de Barbara Weldens une fois le disque achevé ?

" Qu'importe la chanson /Ce n'est rien d'autre qu'un peu de nous /Qui jaillit", lance-t-elle dans L'organique vibration.  Reste la présence femme faite de "tripe et de coffre", une plume  qui ose tempêter, crier l'amour,  être poète. Le rugissement d'une âme chansonnant malgré les tempêtes.       

Cet album est un seuil, et j'attendais avec impatience le second. Malheureusement, j'ai appris, quelques mois après sa découverte, sa disparition tragique et prématurée. Barbara Weldens était une véritable artiste, qui prenait vie sur scène.            

EMU MAIS DIGNE

Homme ami frère
En ce soir d'été
La trentaine érige l'évidente beauté
Le soleil engorge ta peau d'un sang qui bouillonne
Encore un peu et ton cuir pourrait fondre
Comme un fruit éclaté de sucre et d'ombre

Homme ami frère
Tu es beau tu es noueux
Comme la vigne d'écrin jusqu'aux racines
Et ta bouche tremblante exulte

VIENS

Viens, viens au creux de ma chair
Et colle-moi un voyage
Jusqu’au fond des entrailles

Viens, prends-moi toute entière
Viens dans mon naufrage
Allonge-toi sur mes rails

Viens Barbara Weldens

FEMME

Ma nature
Ma faiblesse ma souillure
Qui furent le combat contre moi (...)
Puis contre les hommes puis contre mon ventre
Mou creux tendre 
Mon ventre comme une outre que j'ai griffé de haine 
Contre moi contre ce que je suis 
Une femme, une femme ​​​​​​​

JE NE VEUX PAS DE TON AMOUR ( Live ) 

Pour aller plus loin :

 Un entretien au micro de France Culture (Chanson Boum), révèle un peu plus le personnage de Barbara Weldens ( c'est ici ).

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